Description
Bruno CARPENTIER
Bruno Carpentier est né à Saint-Vaast (Belgique) en 1963. Ancien officier supérieur et ancien rédacteur-en-chef de Képi Blanc, le magazine de la Légion étrangère, il est l’auteur de plusieurs monographies d’histoire locale et contribue à divers blogues et revues littéraires. De Marseille, il dirige la collection Crimes de Pays qu’il a créée en 2012 et consacre son temps au roman policier ainsi qu’à la découverte de nouveaux talents.
L’écorcheur
– … Oh pauvre! L’oncle! Antoine! Venez voir ça!
Les trois hommes se plantèrent autour de l’arbre. Ils en firent le tour, cois, le spectacle l’imposait. Il était quasi midi. Le soleil perçait la frêle canopée des pins exogènes et piquait les pierres fendues d’une ardeur moribonde. On aurait cru l’été, c’était octobre. La soif gagnait les chiens. Ils hurlaient, étranglés, aux bottes de leurs maîtres. L’homme gisait face à la tour du château féodal, au pied de la piste à sangliers qui court jusqu’au chemin de Croix. «Jésus tombe pour la troisième fois». Lui ne trébucherait plus. Il reposait dans un bourdonnement de mouches excitées par le goût du sang. L’entaille partait d’un pli de la peau, sous le menton, et enlaçait le cou. On la distinguait mal car le corps s’était relâché et la tête pesait sur l’avant.
Le corps était assis en tailleur, adossé à l’arbre où on l’avait attaché les mains dans le dos. Le sang avait coulé sur le gras du ventre et avait formé une petite nappe autour de son sexe rabougri. Là, il s’était coagulé. On aurait dit une petite saucisse pour l’apéritif, plantée dans la gelée de groseilles. Grimpant par le pli de l’aine, une colonne de fourmis noires se frayai tun passage. Philosophes, elles paraissaient dédaigner le drame, pire, l’ignorer. Il n’avait plus de cheveux, plus de sourcils, plus de visage. «Du beau travail au couteau pointu». La peau avait été enlevée comme un pull-over. Les muscles saillaient entre les tendons. Les globes oculaires, exorbités, lui donnaient un air terrifiant de dictionnaire anatomique. Mille veinules parcouraient la surface adipeuse de son crâne où des Calliphora Vomitoria avaient pondu des larves anthropophages. Le cadavre était nu, empalé sur un cairn de randonneurs. Son fusil pendait à une branche. C’était le seul objet que l’inconnu semblait posséder. Le reste avait disparu.
– Tu crois qu’il est mort?
– Eh non, Rodrigue! Il fait le bronzage!
– Putain! Cousin, tu es né comme ça ou c’est venu en grandissant?
– Oh! Les gars! interrompit Pascau. Vous commencez à m’escagasser avec vos fariboles de gonzesses! Serrez bien les chiens et ne touchez plus à rien.
– Tu le connais, P’pa, s’inquiéta Antoine?
– Bonne Mère! C’est Paul Tardy! Son nom est gravé sur la crosse du juxta. D’habitude, il chasse à Mimet. C’est cafi de lapins…